Le dosage de la troponine cardiaque ultrasensible (TnTchs) est destiné à améliorer le diagnostic de l’infarctus du myocarde (IDM) en voie de constitution face à un tableau clinique de syndrome coronarien aigu (SCA). Cet objectif a été atteint, car ce biomarqueur est largement utilisé dans la pratique courante, mais force est de reconnaître que la spécificité est loin des 100 %, l’élévation des taux sériques de TnTchs pouvant relever d’autres étiologies que l’IDM.
Son utilisation dans un service d’urgences non cardiologiques est révélateur du problème et une étude de cohorte prospective en témoigne dans laquelle ont été inclus 918 patients. En aucun cas, il n’existait d’arguments cliniques ou autres faisant craindre un SCA. La TnTchs a été dosée chez tous les participants et ses concentrations sériques ont été considérées comme significativement élevées, dès lors qu’elles étaient situées au-delà du 99ème percentile des valeurs mesurées dans la population générale, en fonction du sexe. Les données démographiques et cliniques ont été prises en compte de même que les variables physiologiques et la mortalité à un an.
Une troponine élevée est loin d’être toujours liée à un IDM mais elle est prédictive de la mortalité
Au total, une élévation significative des taux de TcTnhs a été détectée chez 114 patients (12,4 %), mais seuls cinq cas (0,5 %) ont été rattachés à un IDM de type 1 (n = 2) ou 2 (n = 3). Dans tous les autres cas (n = 109, 11,9 %), il s’agissait d’une souffrance myocardique liée à des causes diverses : âge élevé, altération de la fonction rénale, comorbidités multiples, état physiologique précaire.
Au terme d’un suivi de 912 patients-années, la TcTnhs apparaît comme une variable hautement prédictive de la mortalité globale : ainsi, chaque doublement de sa concentration sérique a été associé à un risque de décès majoré de 26 %, le hazard ratio (HR) correspondant étant en effet estimé à 1,26 (intervalle de confiance à 95 %, 1,06 à 1,49), indépendamment de l’âge, du sexe, des comorbidités multiples ou encore de l’état physiologique.
Cette petite étude de cohorte rappelle opportunément que dans un service d’urgences non cardiologiques, une élévation significative des taux de TcTnhs est observée chez environ un patient sur huit, en l’absence de tout SCA. Ce signe biologique témoigne d’une souffrance myocardique passagère liée à des causes diverses et multiples, mais il n’en possède pas moins une certaine valeur pronostique déjà soulignée dans d’autres études de cohorte plus fournies en participants.
Dr Philippe Tellier
Référence : Lee KK et coll. : Prevalence, Determinants, and Clinical Associations of High-Sensitivity Cardiac Troponin in Patients Attending Emergency Departments. Am J Med., 2019 ; 132 : 110.e8-110.e21
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