Mieux vaut faire un arrêt cardiaque le jour ?

Chaque année, au Japon, environ 120 000 victimes d’un arrêt cardiaque extra-hospitalier (ACEH) sont transportées vers les hôpitaux. Bien que le taux de survie des patients victimes d’un ACEH réanimé sur le terrain puis aux Urgences, soit plus faible de nuit que de jour, la cause de cette différence n’est pas claire, même au pays du Soleil Levant : moins de témoins actifs de l’ACEH, équipes médicales fatiguées ? 

Une étude de cohorte d’observation menée dans deux centres japonais a évalué les paramètres de la réanimation cardio-pulmonaire intra-hospitalière (RCPIH) pratiquée de jour (07 : 00 h – 22 : 59 h) et de nuit (23 : 00 h – 06 : 59 h) chez les patients ayant présenté un ACEH d’origine non traumatique. Ont été mesurés entre 2013 et 2016, la durée de la RCP, la fréquence des lésions thoraciques iatrogènes (fractures de côtes, du sternum, pneumothorax) évaluées par scanner (TDM), le délai de retour à la circulation spontanée (d’une durée de plus de 5 minutes) et les taux de survie au service des Urgences ainsi qu’à l’hôpital.

Des RCP plus courtes de nuit avec plus de lésions thoraciques, mais pas de différence de mortalité en fin de compte

Les patients ayant fait un ACEH de jour étaient plus âgés (âge moyen : 69,0 ans, écart-type : 16,6 ans) que ceux du groupe de nuit. Pour les 1 254 patients âgés de plus de 18 ans (jour : 948, soit 75,6 % ; nuit : 306, soit 24, 4 %), la durée de la RCPIH nocturne a été significativement plus courte la nuit (23,6 min versus 27,8 min, différence ajustée de -5,1 min, IC 95 % : -6,7, -3,4), avec une incidence beaucoup plus élevée de blessures thoraciques (67,0 % vs 40,4 %, OR : 1,27, IC 95 % : 1,20, 1,35) et un taux de retour de la circulation spontanée plus faible (26,5 % vs 38,4 %, ROC : 0,93, IC 95 % : 0,88, 0,98). Contrairement aux résultats d’une étude multicentrique antérieure, de façon surprenante quand on lit ce qui précède, il n’a été noté aucune différence significative en terme de mortalité entre les deux groupes, tant au service des Urgences qu’à l’hôpital.

Faut-il y voir un effet de taille de l’échantillon étudié ou bien une particularité liée au système japonais de SMUR, dans lequel la décision de mettre fin aux tentatives de réanimation sur le terrain est assortie de restrictions, ce qui pourrait avoir réduit les taux de survie hospitalière ? Ce qui pourrait expliquer que le taux de survie hospitalière n’était que de 6,9 %, inférieur aux résultats d’autres études.

Autres explications avancées par les auteurs : il n’a pas été possible d’évaluer la qualité de la RCP préhospitalière, en l’absence d’informations concernant la profession des témoins de l’ACEH, et les délais définissant le retour à une circulation spontanée ont été différents (≥ 5 minutes), de ceux préconisés par Ulstein (≥ 30 secondes).

40 à 60 % de lésions thoraciques lors de la RCP

Quoi qu’il en soit, le point fort de cette étude est la mesure précise par TDM systématique de la fréquence des blessures thoraciques liées à la RCP : 4 à 6 patients sur 10 en sont victimes, ce qui devrait tous nous conduire à réviser nos pratiques…

Dr Bernard-Alex Gaüzère

Référence

Takayama W, Endo A, Koguchi H, Murata K, Otomo Y : Differences in durations, adverse events, and outcomes of in-hospital cardiopulmonary resuscitation between day-time and night-time: An observational cohort study. Resuscitation. 2019; 137: 14-20. doi: 10.1016/j.resuscitation.2019.01.023.